C’est une constellation de petites images qui accueille le visiteur dans le nouveau Musée Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt : sur les 72 000 précieux autochromes de la collection, ce procédé couleur sur plaque de verre, commercialisé par les frères Lumière dès 1907, 2 860 ont été reproduites et rétroéclairées, composant sur le mur une mosaïque aux couleurs enchanteresses.
« Nous avons pris une image sur vingt-sept dans la collection, de façon chronologique », indique la directrice déléguée à la conservation, Magali Melandri. Une sélection aléatoire qui donne au visiteur une idée de l’ampleur et surtout de la variété de cette collection unique au monde, les « Archives de la planète », captée à travers une cinquantaine de pays, de 1909 à 1931. On y croise des images chatoyantes de pays lointains, mais aussi de nombreuses photos prises en France et souvent moins gaies : première guerre mondiale, destructions, réfugiés, mouvements sociaux…
Idéal pacifiste
Le Musée Albert-Kahn, trésor du département des Hauts-de-Seine, connaît une nouvelle jeunesse après six ans de travaux, qui ont coûté 60 millions d’euros et multiplié par cinq les espaces d’accueil du public. Le projet, servi par un nouveau bâtiment et des rénovations signés du Japonais Kengo Kuma, devait répondre aux défis que pose ce lieu singulier, installé sur la propriété historique de son fondateur, Albert Kahn (1860-1940) : comment mettre en valeur une collection d’autochromes (procédé à base de fécule de pomme de terre), si fragiles qu’on ne peut exposer les originaux ? Et comment faire connaître l’œuvre d’Albert Kahn, banquier philanthrope qui dépensa toute sa fortune pour défendre son idéal pacifiste et internationaliste, avant de mourir ruiné, en 1940 ?
« Il faut avoir les yeux grands ouverts », aimait à dire le banquier féru de technologie, au vaste projet de documentation du monde
Les concepteurs ont eu la bonne idée de centrer le propos autour de ce fondateur si discret qu’il refusait d’être photographié. Ses différentes réalisations y sont présentées comme un tout, au service de son rêve de progrès et d’harmonie mondiale : les « Archives de la planète », mais aussi son jardin, ainsi que ses différentes fondations. L’ensemble se dévoile dans le nouveau bâtiment et les pavillons, au fur et à mesure d’un parcours très libre et ludique, truffé d’écrans, de projections et de bornes interactives. « Il n’y a ni tirages ni agrandissements, les images étaient vues à l’époque sous forme de projection, et elles ont une grande affinité avec le numérique », souligne la directrice du musée, Nathalie Doury.
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