Le négationnisme, première théorie du complot ?

Le négationnisme, première théorie du complot ?
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Le négationnisme, première théorie du complot ?

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Les Idées Claires | Le négationnisme est-il le premier des complots contemporains ? C'est la question au cœur des Idées claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et franceinfo et destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.

Avec la mort de Robert Faurisson, c'est l'idéologue du négationnisme français qui disparaît. La thèse qu'il défendait, consistant à nier l'extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale n'est pas morte avec lui pour autant.

L'ancien professeur de lettres est sorti de l'anonymat dans les années 70 avec plusieurs essais contestant le génocide des Juifs. Ses thèses, médiatisées à partir de 1978, ont immédiatement fait l'objet de vives critiques sur la forme, avant d'être anéanties sur le fond par les historiens. Pourtant, les allégations de ce "faussaire de l'histoire" circulent toujours sur la toile. Depuis les années 2000, le regain d'antisémitisme a donné un nouveau souffle aux contre-vérités de Robert Faurisson.

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L'historienne et directrice adjointe de Conspiracy Watch, Valérie Igounet, spécialiste du négationnisme et de l'extrême-droite en France, répond aux questions de Nicolas Martin sur l'une des plus vieilles entreprises de falsification de l'Histoire.

Le négationnisme est-il la première des théories du complot ?   

On peut dire que c’est vrai de l’histoire post Seconde Guerre mondiale, c’est la première théorie du complot puisqu’elle apparaît trois ans après la fin du génocide juif c’est-à-dire en 1948, l’année de la création d’Israël.

Qu’est-ce que le négationnisme a de commun avec la théorie du complot ?

Il a beaucoup de choses en commun, dont la théorie du complot juif, c’est-à-dire que pour les négationnistes, qu’est-ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale ? Les Juifs n’ont pas du tout été exterminés, ils ont fait croire à cette extermination, pourquoi ? Pour créer un Etat, l’Etat d’Israël. Donc qu’est-ce qui se passe à travers ce discours ? Le mythe du complot juif est véhiculé et réactivé. 

Le négationnisme mélange-t-il les faits et les opinions ?

Les négationnistes écartent plus les faits historiques qu’ils ne les mélangent, ils ont une méthode très ascientifique, très parcellaire. Nous historiens ou scientifiques, on amasse des documents et on les fait parler, tout simplement. Et ce qu’ils nous disent va nous amener à dresser une histoire. Il y a une production historiographique qui est aujourd’hui indiscutable, l’histoire du génocide juif est plus que fiable, scientifiquement prouvée. Eux affirment les Juifs n’ont jamais été exterminés, ils partent de ce postulat, sélectionnent quelques documents, quelques témoignages qui corroborent ce qu’ils veulent nous faire entendre et j’allais dire, presque, le tour est joué. Ils ont une idéologie derrière, ils veulent porter une propagande et là ils parviennent, avec le discours, à la structurer.  

Comment les thèses négationnistes se sont-elles répandues ?   

C’est vrai qu’avant Robert Faurisson, ces thèses négationnistes étaient réservées aux cercles de l’extrême-droite française, en gros. Et ce qu’a réussi à faire Faurisson, c’est de les médiatiser. C’est un maître de conférences mais qui est littéraire avant tout qui n’est pas historien, qui est parvenu comme par un coup d’éclat, à faire publier ses thèses dans le journal Le Monde, qui est un quotidien de référence pour énormément de personnes. Le 29 décembre 1978, les lecteurs du Monde ont découvert un tract négationniste où Robert Faurisson affirmait que le nombre de Juifs exterminés s’élève heureusement à zéro, que c’est une bonne nouvelle pour l’humanité. Alors évidemment, juste en dessous il y avait l’avis d’un historien qui expliquait ce qu’était la solution finale, le génocide juif, etc. Mais en tout cas il a réussi, par la presse, par des radios publiques, à se faire entendre et à créer un scandale en France.

Comment a-t-on apporté du crédit à ces thèses ? 

Les thèses négationnistes ont rencontré pas mal de succès en France par la médiatisation mais aussi par une spécificité liée à notre pays, aussi en Italie, c’est-à-dire que certaines personnes qu’on n'attendait pas à ce moment-là ont soutenu Robert Faurisson par exemple l’homme qui l’a publié était d’une certaine extrême-gauche, des gens qui ont soutenu Faurisson au nom de la liberté d’expression avaient des patronymes… Je pense par exemple à Jean-Gabriel Cohn-Bendit qui est le frère de Daniel Cohn-Bendit, une des figures de mai 68 est venu soutenir et parler pour Faurisson, venu témoigner à un procès. Il y a eu un linguiste aussi qui a préfacé Robert Faurisson, un Américain, donc certaines personnes se sont dit pourquoi eux ? Et c’est vrai qu’ils avaient un discours, ils se déclaraient antisionistes. Antisioniste c’est quoi ? C’est pouvoir critiquer la politique israélienne. Ce n’était pas du tout leur but. Cette propagande est antisémite sous couvert d'antisionisme.

Ces thèses ont connu un nouveau souffle à la fin des années 1990, pourquoi ?

Elles ont repris une sorte de second souffle quand un ouvrage d’un ancien communiste a été édité par La Vieille Taupe, par Pierre Guillaume qui s’appelait Les mythes fondateurs de la politique israélienne. À ce moment-là le discours a évolué une nouvelle fois, on ne voulait plus de ces discours techniques qui rentraient dans ces méandres faurissonniennes en disant les chambres à gaz ne peuvent pas fonctionner, les crématoires etc. On était vraiment sur le discours complotiste, le mythe du complot juif, la domination juive, etc. Et là il s’est beaucoup plus internationalisé, Faurisson et d’autres ont été invités dans un pays comme l’Iran en 2006, il a reçu des trophées par le président Mahmoud Ahmadinejad. Faurisson est monté sur la scène du Zénith en décembre 2008, appelé par Dieudonné. Donc aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe ? Oui, le négationnisme a été médiatisé par ces coups d’éclats, mais il est surtout très très très présent sur les réseaux sociaux et sur certains sites conspirationnistes et négationnistes sur internet.

"Les Idées claires", un programme hebdomadaire vidéo et audio

Parce que la vérité est plus lente que le mensonge, parce que la désinformation est plus séduisante que les faits vérifiés, Les Idées Claires démêle le vrai du faux. Chaque semaine, dans une vidéo et en podcast, un.e expert.e et Nicolas Martin (producteur de La Méthode scientifique sur France Culture) remettent de l’ordre autour d’une idée reçue. Retrouvez l'intégralité des épisodes dans le dossier "Les Idées Claires"

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Les Idées claires, le négationnisme avec Valérie Igounet

9 min

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